09 mars 2006

meurtre anti-arabe = fait divers

Deux poids, deux mesures, vive la democratieLand, vive la sarkosyLand


Sortir du simple fait divers. Une obsession pour les proches de Chaib Zehaf, 42 ans, abattu samedi soir à la sortie d'un bar d'Oullins, dans la banlieue sud de Lyon, par un homme armé et éméché. «On veut nous faire croire que c'est un meurtre banal. Qu'un Arabe qui se fait flinguer dans la rue, c'est encore une histoire de violence urbaine. Que le racisme ordinaire de quelques beaufs, c'est pas vraiment du racisme.» Halim contient sa colère, mais ne la cache pas. Un type a tiré sur son «frère», «parce qu'il était arabe. Il n'avait pas d'autre raison». Il est en colère car il a le sentiment que «personne ne veut reconnaître cette dimension».

Le procureur n'a pas retenu la circonstance aggravante de crime raciste à l'encontre du tireur présumé, mis en examen hier pour homicide volontaire et tentative d'homicide volontaire. «Les déclarations de tous les témoins et les protagonistes sont claires, nettes et précises : il n'a été fait d'aucune mention de propos racistes, contrairement à ce qu'a dit ensuite une des victimes», insiste Xavier Richaud, procureur de la République de Lyon.

Blessure. Le caractère raciste du crime repose en effet sur les déclarations d'un des rares témoins de la scène, Nabyl Djarboua. Ce médiateur social, cousin de Chaib Zehaf, était avec lui à la Brasserie du commerce pour suivre le match de foot samedi soir, puis à la sortie, lorsque les coups de feu sont partis devant l'établissement. Il a d'ailleurs écopé d'une balle dans le bras. Selon lui, un des deux hommes accompagnant le tireur a crié : «On va les niquer ces Arabes!» quelques secondes avant les coups de feu. Nabyl a varié dans ses versions. Il a un moment parlé d'«enculés d'Arabes». Il a dû mal à se remémorer la scène avec précision. Il apparaît choqué et confus. «C'est allé très vite. Le type nous a braqués, un autre a crié et ça a commencé à tirer. Je me souviens avoir dit qu'il fallait se baisser et puis j'ai vu Chaib tomber.»

La police est arrivée sur les lieux très rapidement. Suffisamment pour rattraper le tireur dans une rue voisine. Nabyl a été emmené à l'hôtel de police de Lyon, et interrogé pendant plus d'une heure avant qu'on s'aperçoive qu'il était blessé au bras. Il raconte avoir été emmené menotté à l'hôpital. Ne sait pas pourquoi. «Le lendemain, ils m'ont réinterrogé et après ils m'ont relâché en tee-shirt dans la rue.» Nabyl est perdu, il a vu son cousin mourir sous ses yeux, a pris une balle et n'a pas l'impression d'avoir été traité tout à fait comme une victime. «Selon les procès-verbaux, il n'a pas été mis en garde à vue, il n'a donc pas dû être menotté», s'étonne le procureur, affirmant qu'aucun procès-verbal d'auditions des témoins ne fait état d'insultes racistes.

En sarkozyLand, etre arabe ou de couleur signifie coupable d'office. Meme si tu es victime, tu dois avoir quelque chose à te reprecher. Je me souviens de mon petit frere qui s'est fait agressé par un juif, parcequ'il portait un keffieh en echarpe. mon p'tit frere ne s'est pas laissé faire et a rendu les coups. Lorsque la "SarkozyArmy of DemocratieLand" est arrivé, c'est mon p'tit frere qu'ils voulaient interpeller, heureusement une femme ager est venu temoigner spontanement pour reparer l'injustice [ndb]

[...]

Contre la police, les politiques, les médias. Ils (les proches de la victime) ont le sentiment que personne n'a réagi au meurtre de leur ami. Ils font le parallèle avec l'affaire Halimi, avec les agressions antisémites à Sarcelles. Ils parlent de «deux poids deux mesures», «comme si c'était un chien écrasé». Dans un coin, un cousin de Chaib Zehaf, un peu plus âgé, se tait. Un peu plus tard, il expliquera être «très inquiet» : «Les jeunes sont remontés. Ils ont le sentiment que la mobilisation n'est pas la même lorsqu'il s'agit d'un Juif, ils voudraient aussi que des milliers de personnes réagissent.»

Indifférence. Devant l'immeuble, une jeune fille raconte avoir été «choquée» de voir que, dès le lendemain, le bar d'où sortaient la victime et son tueur, était rouvert «comme si rien de grave ne s'était passé». Elle raconte les habitués qui boivent leur canon de rouge au comptoir. Le patron qui dit n'avoir «rien à se reprocher».

C'est finalement le maire d'Oullins qui a demandé à ce que l'établissement ferme jusqu'à jeudi. Sur la porte, une affichette a été placardée, signée du propriétaire du bar : «Fermeture exceptionnelle en hommage à Chaib, que tous aient une pensée pour lui et sa famille en cette période de deuil, Sébastien».

[...]

Mais, face à la violence incompréhensible du geste, les amis et la famille de Chaib Zehaf cherchent une explication, des réactions. Ils n'en trouvent pas. «Chirac reçoit les victimes de l'antisémitisme et nous, le maire de notre ville ne se déplace même pas.» A Oullins, dans ce vide, la thèse du racisme ordinaire prend toute la place.

Article de Libé



Quelques jours après le meurtre près de Lyon de Chaib Zehaf, père de famille d'origine algérienne, le Procureur réfute, avec une rapidité rarement égalée, la thèse raciste. Le MRAP s'interroge sur cette décision d'autant plus que l'un des témoins, Nabyl Djarboua, médiateur social, cousin de la victime, affirme que le tireur a crié "enculés d'Arabes; on va les niquer ces Arabes".
Ce crime est désormais considéré comme un banal fait divers, un crime "d'ivrognes". L'alcoolisme est, à juste titre, une circonstance aggravante pour les victimes de la route ; pour le MRAP, il ne saurait être une "circonstance atténuante" dans les crimes à caractère raciste. Ce crime est à mettre sur le compte du climat délétère qui engendre l'escalade des violences racistes à laquelle on assiste depuis quelques jours et que le MRAP ne cesse de dénoncer.

Ce sentiment des "deux poids, deux mesures" ressenti à Oullins est grave de conséquences. La République ne peut pas traiter de façon inéquitable ses enfants sans risques de créer une situation dramatique pour le "vivre ensemble" et pour la démocratie.

Afin d'avoir accès au dossier, le MRAP décide de maintenir sa plainte avec constitution de partie civile.

Mouloud AOUNIT, Président du MRAP et Renée LE MIGNOT, vice Présidente, participeront à la marche silencieuse organisée en hommage à Chaib Zehaf mercredi 8 mars 2006 à Oullins pour exprimer leur solidarité avec la famille de la victime et exiger vérité et justice.